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Conduire à l'étranger n'est pas synonyme d'impunité totale. Si le conducteur échappe à la perte de points et aux poursuites en France, le code de la route local sévit... sur place.
L'appel du large approche. Pour partir le coeur léger et la berline sereine, un tour d'horizon des règles et pratiques routières locales n'est pas inutile. Que risque-t-on en cas d'excès de vitesse en Italie ? Les autorités britanniques peuvent-elle poursuivre un contrevenant en France ? Qu'est-ce que je risque si je ne paie pas mon PV de stationnement en Allemagne ?
Lepoint.fr a interrogé Rémy Josseaume, docteur en droit pénal routier, président de la commission juridique de 40 millions d'automobilistes.
Lepoint.fr : Y a-t-il de grands écarts entre les lois françaises et celles des autres pays européen en matière d'excès de vitesse ou d'alcoolémie ?
Rémy Josseaume : La vitesse de circulation en ville est la même dans toute l'Europe (50 km/h), elle diffère légèrement sur les routes où la vitesse autorisée est généralement de 90 km/h ou de 100 km/h (Allemagne, Royaume Uni, Autriche).
Sur autoroute, les États ont des réglementations éparses : la vitesse est de 130 km/h en Italie, en Croatie, en Grèce, au Luxembourg, en Pologne et en République tchèque. Elle est réduite à 120 km/h en Belgique, en Espagne, en Irlande, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suisse. Rappelons qu'en Allemagne, la vitesse sur autoroute est libre mais conseillée à 130 km/h.
En matière d'alcoolémie, les États européens ont une législation semblable à celle de la France. Ainsi, le taux maximum autorisé est de 0.5 g/l en Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et la Suisse.
Le seuil de ce taux est plus élevé au Royaume Uni et en Irlande (0.8 g/l) alors qu'il est réduit à 0,2 g/l en Pologne. Seule la République tchèque impose une tolérance 0.
Qu'est-ce que je risque si je suis flashé par un radar en Allemagne, en Suisse ou en Italie ?
En cas d'infraction au code de la route d'un État membre de l'Union européenne, le conducteur est passible des mêmes sanctions que celles qui peuvent être prononcées à l'encontre des ressortissants de l'État membre concerné.
Il devra payer une amende dans le pays où il a commis l'infraction. S'il ne s'est pas acquitté de cette amende sur place, il peut théoriquement faire l'objet de poursuites dans son pays de résidence grâce aux accords bilatéraux signés entre la France et l'Allemagne, le Luxembourg, la Suisse et la Belgique. Des conventions ont été signées mais ne sont toujours pas appliquées avec l'Italie et l'Espagne. Néanmoins, compte tenu des difficultés d'application de ces conventions (notamment avec l'Allemagne) et de l'absence de législation européenne commune, le conducteur qui reçoit à son retour en France un avis de contravention au Code de la route ne sera pas inquiété par les autorités du pays où il a commis l'infraction.
Toutefois, en cas d'interpellation sur place, le conducteur doit naturellement se soumettre aux lois et règlements en vigueur et peut être contraint au paiement immédiat de l'amende afin de reprendre son véhicule.
Il faut aussi avoir à l'esprit qu'un retour dans le pays dans lequel l'infraction a été commise, et pour laquelle le conducteur n'a pas donné suite une fois rentré en France, peut l'exposer sur place à l'exécution de la sanction, concrètement, au paiement de l'amende. Un automobiliste s'étant vu retirer son permis en Italie pour une durée de six mois, par exemple, sera en infraction en Italie s'il conduit malgré cette interdiction.
Dois-je payer ma contravention au stationnement dans le pays où je voyage ?
Civiquement et moralement, le conducteur doit en effet s'acquitter de son amende. Dans les faits, cette infraction ne donnera lieu à aucune poursuite et le conducteur jouira d'une impunité certaine.
Que se passe-t-il si je commets une infraction avec une voiture de location ?
Si l'infraction donne lieu à une interpellation sur place, le conducteur devra s'acquitter de l'amende. Si l'agence de location reçoit par la suite un avis de contravention pour excès de vitesse, elle pourra soit vous dénoncer (indiquer toutes vos coordonnées) pour que les autorités vous poursuivent directement, soit - et cela est de plus en plus fréquent -, utiliser vos coordonnées bancaires pour effectuer le paiement de l'amende en vos lieux et place, et ceci, sur la base du contrat de location qui précise que le conducteur doit s'acquitter des contraventions.
Certains pays utiliseraient des sociétés de recouvrement privées pour récupérer les fonds dans les pays des contrevenants. Cela est-il légal ?
Ces pratiques peu conventionnelles se heurtent au droit de tout justiciable à être entendu par un tribunal impartial et indépendant, de sorte qu'en l'absence de condamnation devenue définitive par une juridiction devant laquelle le contrevenant aura été régulièrement cité, nul ne peut se substituer à un juge.
Une directive européenne prévoit que les poursuites transfrontalières seront rendues automatiques pour certaines infractions (excès de vitesse, alcoolémie...) commises sur le territoire d'un pays de l'UE. Qu'en est-il ?
Un projet de directive a en effet été proposé par la Commission européenne afin de mettre fin à l'impunité des automobilistes qui commettent des infractions à l'étranger.
La création d'un réseau électronique d'échange d'informations permettra aux autorités routières nationales d'identifier les propriétaires de véhicules étrangers grâce à leurs papiers d'immatriculation. Elles pourront ainsi leur envoyer des avis d'infraction.
Toutefois, le développement des PV transfrontaliers n'est pas pour demain puisque tous les experts s'accordent à dire que la législation française doit être adaptée en raison de ses spécificités qui heurtent le droit d'autres Etats : l'exigence de consignation (inconstitutionnelle en Allemagne), la présomption de responsabilité du titulaire de la carte grise (incompatible avec la législation allemande), etc.
Puis-je conduire à l'étranger si je n'ai plus de points sur mon permis en France ?
Non, dans l'Union européenne d'abord, où le permis français est considéré par les États membres comme une autorisation administrative de conduite. Hors UE, pour les Etats qui exigent le "permis international", c'est la même chose car la validité du permis international est subordonnée à celle du permis français. Le seul cas où l'on pourrait conduire à l'étranger malgré l'invalidation de son permis français serait d'être titulaire d'un permis étranger (permis italien par exemple) qui n'a pas fait l'objet d'un échange avec le permis français (l'échange est automatique au bout de six mois de résidence dans le pays). Il faut tout de même savoir que le conducteur français ne perdra jamais de points sur son permis français s'il commet une infraction à l'étranger, et ceci quelle que soit la nature de cette infraction (excès de vitesse, non respect d'une règle de priorité...).